Les roses et Nahéma

C’est sous la forme d’une variété d’églantine que la rose est apparue sur terre, il y a quelque quarante millions d’années.

La rose Damascena provient d’un croisement entre la rose Gallica, cultivée entre Mésopotamie et Palestine, et la rose Phoenica ou Phénicienne, également cultivée au Moyen Orient. La rose de Damascena est également appelée rose de Damas, les croisés l’ayant découverte dans cette ville.

Elle fut hautement appréciée par Néron, qui en a fait un usage excessif durant ses fêtes. Fleur de tous les excès dans l’antiquité, elle a été récupérée au 4 ème siècle après Jésus Christ par l’Église qui l’associa au culte de Marie. Mais c’est aux arabes que l’on doit la propagation de la rose à parfum. Ils l’auraient introduite dans la vallée de Dadès au Maroc, en Bulgarie, puis Turquie.

La sophistication olfactive de la rose est impressionnante. Sa chimie est complexe et la rend inimitable, au moins 300 molécules, elle offre à la créativité des parfumeurs des possibilités de transformations infinies : parfois ange, parfois démon, fraîche et étincelante ou charnelle et profonde. Elle peut se renouveler à l’infini.

C’est la reine incontestée de la palette du parfumeur, sa muse, son diamant. La rose est considérée comme une des deux fleurs reines de la parfumerie.

Les roses sont classées en 2 grands groupes : 

• Les roses ornementales à peu près 700 variétés, cultivées pour leur beauté. 
• Les roses très odorantes, utilisées en parfumerie, peut-être moins jolies, elles sont peu nombreuses : La Rose de Damas (Rosa Damascena) et la Rose de Mai appelée rose de Grasse (Rosa Centifolia) ou Rose Pays.

Origines

Rose de Grasse ou Gentifolia est originaire du Caucase. Elle a été introduite en France à la fin du XVIème siècle.

Rosa Damascena ou rose de Damas est produite de manière plus intensive en Turquie, en Bulgarie, au Maroc et Perse. Rose Damascena est originaire de la région de Shiraz en Iran. Shiraz a été la capitale de la Perse de 1750 à 1794, des distilleries y ont existé, elle a été ensuite implantée en Syrie (Damas) puis implantées en Bulgarie et Turquie.

Ce sont des gros producteurs d’eau de rose. Les iraniens sont très liés depuis toujours à la rose comme les pétales séchées ou l’eau de rose qui sont des ingrédients majeurs dans la cuisine perse. L’eau de rose est utilisée également chez eux à des fins médicinales et pour la cosmétique. Elle a également une symbolique sacrée pour les lieux saints et lors des cérémonies religieuses. Les iraniens appellent cette rose « Flower of Prophet Mahomet ». La Kaaba est lavée tous les ans lors d’une cérémonie célèbre avec l’eau de rose de Kashan.

Utilisation

La rose est bien évidemment utilisée dans les parfums floraux. Elle peut être fraîche, « traitée comme la rosée du matin » ou plus sombre ou plus « orientalisante. » Elle accompagne merveilleusement les accords chyprés, et notamment, les néo-chypres. Tous les parfumeurs savent que la rose forme un duo idéal avec le patchouli.

On peut également l’associer à des notes orientales, comme c’est le cas pour Nahéma par exemple, et plus particulièrement pour les floraux orientaux. Enfin, elle peut être utilisée dans les floraux fruités, ou encore pour les soliflores. Si on devait créer Nahéma aujourd’hui, ce serait impossible, tant la rose est « surdosée » dans ce parfum.

La rose est actuellement visée par les nouvelles lois toxicologiques car elle contient des notes épicées aujourd’hui « limitées ».

Une communelle est un assemblage judicieux de différents lots d’essences naturelles. Chez Guerlain, depuis toujours, sont assemblées différentes huiles essentielles de même origines botaniques ou pas, de différents producteurs, ou pays, permettant de proposer toutes les facettes autour d’un même thème. Le but étant aussi de créer un « standard Guerlain » : une signature très identifiable, et aussi d’assurer, d’année en année, une constance de qualité.

Traitement de la matière première

Le pétale de la rose peut être traité de deux manières différentes :

• Par distillation : Il faut environ 3,5 de tonnes de pétales de rose pour obtenir 1 kg d’essence.

Les pétales sont placés dans une cuve avec de l’eau. Le tout est chauffé à une température précise. La vapeur chargée en molécules odorantes monte dans une colonne où elle est refroidie et se condensent pour donner l’huile essentielle. Autre produit obtenu lors de la distillation : l’eau de rose, parfois utilisée dans des formules de parfum. L’essence est plus en tête, fraîche et volatile. Pour un bon cueilleur : la récolte est de 5kg par heure, dès 7 heures du matin.

• Par extraction aux solvants volatils : 700 kg de pétales pour 1kg d’absolu.

Les pétales sont placés sur plusieurs plaques dans une cuve qui est mise sous pression. C’est en quelque sorte une énorme cocotte-minute. Un solvant passe dans cette cuve pour se charger de toutes les molécules odorantes des pétales. La cuve est ensuite ouverte, le solvant est évaporé et l’on récolte une sorte de pâte sombre appelée concrète. Cette concrète est lavée à l’alcool pour se débarrasser des cires et être purifiée. On obtient alors l’absolue. L’absolue est plus sourde, elle agira en cœur, elle est par contre plus dense et ronde.

A savoir : à partir d’une même quantité de fleurs, on obtient 6 fois plus d’absolue que d’huile essentielle. C’est pourquoi l’absolue de Rose coûte moins cher.

Description olfactive

Rose de Grasse : odeur plus miellée, plus ronde, plus chaude, un peu « cireuse ».
Composants : APE, Géraniol, Citronellol, rhodinol, etc.

Rose de Bulgarie : versus la rose turque est plus amandée, plus litchi, plus framboise, plus nerveuse, un peu plus fraîche en tête.
Chez Guerlain, on sélectionne les différents produits de différentes parcelles : certains ont une facette accentuée de fruits, de bois, ou de géranium, celles à l’accent « artichaut et foin » seront plus écartées, seront plutôt privilégiées celles qui possèdent les notes amandées et fruitées de litchi. Chaque année, le travail sera à recommencer pour sélectionner et ensuite assembler les lots, pour obtenir la « qualité Guerlain » de la rose Bulgare qui a été ré introduite chez Guerlain.Depuis l’origine, Pierre François Pascal Guerlain, Aimé et surtout Jacques Guerlain ont utilisé bien évidemment la rose de Grasse, mais aussi en grande quantité la rose de Bulgarie. Seul Jean Paul Guerlain avait davantage privilégié la rose Turque.
Composants : citronellol, Géraniol, APE, oxyde de rose, Béta damascenone, béta-ionone, etc.

Rose de Perse : rose à odeur plus sauvage plus sombre, avec des connotations artichaut et foin.

Quelques parfums avec la note rose en dominante

• Rose aldéhydée : N°5 de Chanel (1921), Liu de Guerlain (1929)
• Rose/jasmin : Joy de Patou (1929)
• Rose orientale : Chamade de Guerlain (1969) : première utilisation de la jacinthe et bourgeon de cassis en parfumerie et Nahéma (1979) avec overdose de roses (absolu turque, absolu rose de Grasse, essence de Bulgarie, première utilisation de la molécule : la damascone)
• Rose chyprée : Aromatics Elixir de Clinique (1971), Rose de Nuit de Serge Lutens (1993), Un Rose de Frédéric Malle (2003), Rose Barbare de   Guerlain (2004), Portrait of The Lady de Fédéric Malle (2010)
• Rose boisée : Voleur de Roses de l’Artisan Parfumeur (1993), Rose 31 de Le Labo (2006)
• Rose verte végétale : Pleasures d'Estée Lauder (1995), Sa majesté La Rose de Serge Lutens (2000), Eau Plurielle de Dyptique (2015)
• Rose fruitée cassis : Rose Ikébana d'Hermès (2004), Le jour Se Lève de Louis Vuitton (2016)
• Rose fruitée cerise : La Petite Robe Noire de Guerlain (dans les boutiques exclusives 2009) : co-création que j’ai faite avec Dephine Djelk. Lancement international en 2012 par T. Wasser
• Rose poudrée : Ombre Rose de JC Brosseau (1981), Flower de Kenzo (2003) 
• Rose musquée : Chloé de Chloe (2008), Rose des Vents de Louis Vuitton (2016), Dovana de Sylvaine Delacourte (2017)
• Rose violette : Paris d'Yves Saint Laurent (1983), Trésor de Lancôme (1990)

Nahéma de Guerlain

Son histoire

Dans les Contes des Mille et une Nuit, Schéhérazade fût appelé par le sultan des Indes afin qu’elle lui narre une de ses fabuleuses histoires. Celle-ci lui conta l’histoire de Nahéma. Il était une fois, dans un pays très éloigné, le Grand Chambellan du Palais qui avait deux filles jumelles. Leur beauté était parfaite et si identique qu’il composa leur prénom avec les mêmes lettres : Mahané et Nahéma. Mais elles avaient un caractère très différent : Mahané était douce, docile et conciliante alors que Nahéma était sulfureuse et décidée, dotée d’un caractère de feu. Un soir, un vieux derviche demanda l’hospitalité et fût accueilli au Palais pour la nuit. Afin de remercier leur père, il donna à Nahéma et à sa sœur un coffret en bois précieux, admirablement beau et leur dit ceci : « attention ce coffret contient vos destinées – mais attention, une fois son secret révélé, il sera impossible de le changer ». Quand les deux princesses furent en âge de se marier, un jeune prince vînt au Palais. Celui-ci rencontra les deux sœurs et leur fit la cour. Difficile de choisir, elles étaient si différentes, l’idéal eut été d’avoir les deux, car elles étaient très complémentaires. Le prince toujours hésitant quitte le palais sans donner sa réponse. L’attente se fit longue pour les deux sœurs. Mahané, s’attardait sur la plage et restait calme. Nahéma quant à elle, était très impatiente. Un jour, trépignant de ne pas avoir de réponse du Prince, Nahéma prit son coffret et vola celui de sa sœur, pour percer le secret de sa destinée. Nahéma partit alors dans le désert avec les deux coffrets, mais à bout de force, elle fit tomber le coffret de sa sœur qui se brisa sur le sol et de celui-ci se répandit de l’eau. L’eau étant le symbole de la soumission et de la docilité, car l’eau épouse le contenant dans lequel il est versé. Alors, Nahéma ouvrit alors le sien et vit une petite flamme en forme de fleur orange et rose. Symbole de la passion qui dévore tout. Nahéma n’est pas une femme qui se laisse choisir, c’est une femme audacieuse et indomptable qui ne saurait se satisfaire de compromis. Elle comprit aussi que ce serait sa sœur qui allait être épousée par le prince, pour ses qualités de douceur et de soumission. Alors Shéhérazade posa cette question au Sultan : qui aurais tu choisi entre Mahané la tendre et Nahéma, la passionnée ? Aucune, car en toi que j’ai trouvé l’idéal : à la fois la passion et la tendresse.


Description

L’association passion et tendresse a été l’idée créative pour la composition de cette fragrance : troublant, velouté, unique, obsédant comme le chef d’œuvre du Boléro de Ravel. C’est d’abord une surdose de roses choisies : essences, absolues, auxquelles ont été ajoutées innombrables notes rosées le tout sublimée pour la première fois par la « damascone » (molécule pour la première fois utilisée par Guerlain) apportant une touche fruitée et une ténacité remarquable.

En coeur, la senteur fraîche et verte de la jacinthe. Puis des fruits, pêches et fruits de la passion. Le fond de la composition est soutenu par le bois de santal et le patchouli et toujours présente : la Guerlinade.

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